Etudier un film

 

1. Le scénario

 

Les méthodes d'analyse proposées ici s'appliquent à toute forme de récit et permettent aussi l'étude d'un roman. Pour résumer l'histoire efficacement, aidez-vous des questions suivantes :

 

L'intrigue (= l'histoire)
- Repérez les séquences narratives. Peut-on résumer l'intrigue en une seule séquence ou doit-on en juxtaposer plusieurs?
- Repérez la situation initiale, l'élément perturbateur, les péripéties, le dénouement, la situation finale.
- Toutes les étapes sont-elles représentées? Sont-elles dans l'ordre chronologique?
- Répartissez les personnages ou les forces qui agissent dans un schéma actanciel:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Les personnages plus passifs favorisent-ils l'action ou constituent-ils des obstacles?

 

Les personnages
- Sont-ils nombreux? Y a-t-il beaucoup de figurants? Des scènes d'ensemble?
- Un personnage principal se détache-t-il des autres? Peut-on le qualifier de héros? d'antihéros (personnage ordinaire et médiocre, sans réelles qualités)?
- Y a-t-il un narrateur? S'exprime-t-il en voix off? Qui est-il?
- la vision des personnages est-elle simpliste, manichéenne (opposition très claire entre les bons et les méchants) ou au contraire complexe (ambiguïtés)?
- Ces personnages sont-ils symboliques? Sont-ils représentatifs d'une catégorie sociale? d'un type psychologique? Reprennent-ils le rôle de personnages-types du cinéma ou de la littérature? (= sont-ils la réincarnation d'autres personnages d'autres œuvres?)
- Essayez de les répartir dans un système pour montrer ce qui les rassemble ou les oppose. Jouez pour cela sur des oppositions de valeurs et dessinez la galaxie des personnages :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le temps
- L'époque à laquelle se déroule l'histoire est-elle déterminante?
- Le film est-il précédé d'un texte introducteur? Si oui, quelle est sa fonction?
- Les faits sont-ils présentés comme passés, ou a-t-on le sentiment d'y assister en direct?
- Respecte-t-on l'ordre chronologique? Sinon, est-ce un caprice du réalisateur? un souci de cohérence dans la narration (le narrateur ou le personnage découvre plus tard des faits passé ou se souvient de son passé)?
- Le temps réel et le temps du récit coïncident-ils (= a-t-on le sentiment d'accompagner les personnages en temps réel)? Certaines parties ne sont-elles pas racontées (ellipses)? De longues périodes sont-elles racontées brièvement (résumé)? Passe-t-on brutalement d'une scène à une autre, sans souci de transition? Du texte en surimpression sur l'image précise-t-il la datation?

 

L'espace, le lieu
- Le lieu où l'histoire se déroule est-il important? Est-il précisé? Est-il donné en surimpression? Existe-t-il?
- Ce lieu est-il décrit par des vues d'ensemble, des mouvements de caméra? La description est-elle objective (les images s'efforcent de présenter un maximum d'éléments) ou subjective (la caméra fixe certains détails qui permettent de mieux comprendre l'histoire ou les personnages)?
- Les lieux sont-ils fermés ou ouverts? Sont-ils symboliques? Des lieux s'opposent-ils?
- Les décors sont-ils naturels? Sont-ils une reconstitution? Le film a-t-il été tourné en studio?
- Dans quel pays le tournage s'est-il déroulé? Pourquoi? L'équipe a-t-elle rencontré des difficultés?
- Les personnages sont-ils constamment en mouvement? sont-ils enfermés?
- Peut-on considérer les lieux comme des personnages? Sont-ils des forces qui influent sur le comportement des personnages?

 

 

 

2. Les thèmes de l’œuvre

 

Afin de mieux les repérer, il faut d'abord distinguer trois types de thèmes :

 

- les thèmes documentaires nous renseignent sur un milieu précis : une époque historique, la guerre, la vie quotidienne, un métier, un pays…


- les thèmes
sociologiques analysent les rapports de l'individu avec l'autre et avec la société : le racisme, la pauvreté, l’injustice, la famille, l’adoption, le travail, l’école, l’adolescence, l’argent…


- les thèmes
psychologiques s'intéressent aux sentiments : la solitude, l’amitié, l’amour, la tristesse, la quête de soi, l’espoir, la résignation, la peur, la fierté, l’ambition…


Certains de ces thèmes, parce qu'ils ont une dimension supérieure qui touche tous les hommes et toutes les époques, peuvent être appelés
thèmes philosophiques : la liberté, le bonheur, la connaissance, le pouvoir, le sens de la vie et de la mort, la justice, la violence, la souffrance, la religion...

 

Le repérage des thèmes principaux doit vous permettre de mieux identifier le(s) message(s) de l'auteur et le système de valeurs auquel il adhère, son idéologie. Dans certains cas, il peut être utile de constater que ce système de valeurs correspond à une idéologie politique ou au contraire s'y oppose.

 

 

3. La qualité cinématographique

 

AFIN DE RENDRE CE MOMENT DE L'ETUDE PLUS SATISFAISANT, IL SEMBLE NECESSAIRE DE S'INTERESSER A UNE COURTE SCENE DU FILM POUR L'ETUDIER EN DETAIL. Vous pouvez aussi travailler sur des photographies, mais il est plus simple de montrer le mouvement.

 

En analysant cette scène, vous vous efforcerez de montrer comment la maîtrise technique et les choix du cinéaste contribuent à rendre le message efficace. Il vous faut pour cela travailler sur plusieurs éléments constitutifs du film :

- le jeu des comédiens;

- l'art du cadrage;

- les mouvements de caméra;

- l'art du montage;

- le son, la musique;

- les effets spéciaux.

Vous montrerez que rien n'est dû au hasard, mais que le cinéaste atteint son objectif par une subtile combinaison de ces éléments. Vous serez attentifs à tout ce qui sort de l'ordinaire, de l'académisme, et vous mettrez en valeur l'originalité de la mise en scène, les innovations techniques...

 

Les éléments suivants vous permettront d'utiliser un vocabulaire spécifique qui clarifiera votre discours.

 

Ces explications ont été empruntées au site d'un enseignant belge de langue française, Philippe Van Goethem, qui en autorise la libre diffusion.

 

Le point de vue (focalisation) :
Cet aspect est d'un intérêt capital. C'est ici que le cinéaste agence la réalité, la présente sous tel aspect plutôt que tel autre. Il est donc intéressant de vous poser les questions suivantes : que me montre-t-on ? Pourquoi le montre-t-on de cette façon ? Le point de vue, la focalisation, le regard porté sur le monde représenté dans l'image dépend du cadrage mais aussi de l'angle de prise de vue.
Le
cadrage du sujet dans l'image (le cadre), en équilibre ou en déséquilibre (si la caméra est portée à l'épaule, ses mouvements exprimeront facilement un déséquilibre, une instabilité), permet de concentrer l'attention, de créer une ambiance insolite, mais aussi de symboliser des concepts abstraits.
L'
angle de prise de vue (frontal, plongée, contre-plongée) peut, selon les cas, correspondre à la logique de la situation ou exprimer, par exemple, la puissance d'un personnage, l'angoisse qu'il suscite ou son humiliation, son écrasement, sa solitude.
La
caméra subjective présente la scène telle qu'est censé la voir un des personnages auquel le spectateur est, par conséquent, forcément identifié.
Le
monologue intérieur présente la voix off d'un personnage faisant partager au spectateur ses réflexions en marge du dialogue qu'il tient à l'écran.

 

Les différents plans, le cadrage


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Le
plan d'ensemble embrasse tout un paysage, un décor, un groupe, une foule. Il tend à créer une synthèse, un cadre descriptif, un climat. Il peut aussi isoler un personnage dans un cadre immense.
Le
plan de demi-ensemble est plus resserré, il ne couvre qu'une partie du décor ou de la foule. Il concentre l'attention sur un groupe bien particulier.
Le
plan moyen cadre un ou plusieurs personnages en pied. Il concentre l'attention du spectateur sur le ou les héros, éventuellement dans un espace qui les situe sociologiquement.
Le
plan italien (plan genou) et le plan américain (ou plan cuisses), présentent des personnages jusqu'au genou ou jusqu'aux cuisses. Ils rapprochent encore davantage le spectateur des personnages.
Le
plan rapproché (ou plan taille / buste) place les acteurs à la distance qui sépare les interlocuteurs d'une conversation, il accentue l'intimité, permet de lire les réactions psychologiques, le jeu du visage et des épaules.
Le
gros plan ne retient que le visage de l'acteur qui envahit tout l'écran, il permet de lire directement la vie intérieure d'un personnage, ses émotions, ses réactions les plus intimes. C'est le plan de l'analyse psychologique.
Le
très gros plan montre un seul objet, un détail du visage, par exemple. Généralement très bref, il sert la progression du récit ou du suspense en attirant l'attention sur un détail dramatiquement frappant.


le
champ est l’ensemble des éléments qui entrent dans le cadre filmé
L'expression
hors-champ désigne ce qui n’est pas dans ce cadre, mais qui peut jouer un rôle grâce aux bruits, à une voix qu'on entendrait ou encore par une expression, une action du personnage qui est dans le champ.
Le
contre-champ consiste à poser la caméra dans la position inverse (180°) de celle du champ.
exemple: Pierre et Paul, face à face, se parlent
1. la caméra filme Pierre qui parle, elle prend la place de Paul (champ)
2. la caméra filme Paul qui écoute, elle prend la place de Pierre (contre-champ)

 

L'éclairage et les couleurs:

Le jeu des ombres et des contrastes entraîne un climat sensible qui doit servir le scénario.
Les couleurs peuvent avoir des fonctions symboliques ou dramatiques, pour associer ou opposer des personnages, par exemple.

 

Les mouvements de caméra
Le
panoramique (horizontal, vertical ou circulaire) est réalisé lorsque la caméra fixée au sol pivote sur son axe. Il remplit parfois une fonction descriptive ou acquiert une valeur dramatique en introduisant dans le champ visuel un élément inattendu, un danger caché; il relie un personnage à un autre dans un même espace progressivement exploré.
Le
travelling (avant, arrière, latéral ou vertical, subjectif, d'accompagnement), correspond au regard d'un homme en déplacement, la caméra, le plus souvent posée sur un chariot, voyage (anglais to travel). Il permet, par exemple, de passer d'un plan d'ensemble à un gros plan, contraignant le spectateur à concentrer son regard sur un objet ou un visage.
Le
travelling optique ou zoom s'obtient en modifiant la focale de la caméra. Il rapproche ou éloigne très rapidement le sujet du spectateur sans que la caméra se déplace.
La caméra placée sur une grue peut combiner et amplifier tous ces mouvements.

 

La bande sonore
Le
son est dit synchrone (enregistré tel quel ou diffusé en direct) ou postsynchronisé (ajouté après coup aux images). On donne aussi au son des valeurs de plan selon la proximité apparente : son plan rapproché (parlé à l'oreille); son plan moyen (son direct), son plan lointain (le son indirect est plus audible que le son direct).
Le
texte peut apparaître en voix "off" ou être dit par les acteurs dans le champ "on".
Le
bruitage est efficace pour accroître le réalisme ou la tension d'une scène. Lorsque, par ellipse, le son est entendu sans qu'apparaisse sur l'écran ce qui produit ce son, il possède un pouvoir d'évocation plus intense exigeant la collaboration active du spectateur.
Les
silences acquièrent une valeur dramatique lorsqu'ils s'imposent de manière inattendue pour mettre en valeur les paroles ou alourdir la tension.
La
musique concourt aussi à créer l'ambiance d'un film (on a montré que des images identiques accompagnées de musiques différentes, étaient interprétées de façon contradictoire).
Les mots et les sons répètent les informations données par les images (
redondance), réduisent la polysémie ou apportent de nouvelles informations.

 

Le montage :
"Le montage est l'art d'exprimer ou de signifier par le rapport de deux plans juxtaposés de telle sorte que cette juxtaposition fasse naître l'idée ou exprimer quelque chose qui n'est contenu dans aucun des deux plans pris séparément. L'ensemble est supérieur à la somme des parties." (Eisenstein)
Un film ne se tourne pratiquement jamais dans l'ordre selon lequel il sera regardé. Pour toutes sortes de raisons, on filme à la suite les séquences situées dans un même lieu, nécessitant les mêmes acteurs, etc. La manipulation qui consiste à remettre les plans dans l'ordre par découpage-collage s'appelle "montage". C'est l'opération décisive, l'écriture du film : le metteur en scène allège, supprime, insère, donne une cadence par des alternances de plans, établit des rapports entre sons et images (postsynchronisation), bref, détermine un style.
L'expérience de Koulechov et Poudovkine : cette expérience met en valeur l'importance du montage. Prenant d'abord un gros plan de l'acteur Ivan Mosjoukine, ils l'ont fait précéder d'abord d'une table pleine de victuailles appétissantes puis d'une jeune femme morte, puis d'un enfant. Les spectateurs ont cru voir chaque fois une expression nouvelle dans le regard de Mosjoukine (qui provenait de la même image) : gourmandise, tristesse, joie. Le regard ne prenait sa signification que par l'image qui le précédait.
"Ce n'est pas un plan en soi qui a un sens, mais la relation des plans entre eux." (H. Agel)

 

Les différents montages
Le
plan-séquence suit les personnages et filme en continu, en principe sans montage. On parle de montage cut lorsque deux plans se suivent sans transition, de fondu enchaîné lorsqu'on passe d'un plan à un autre en les superposant un instant. Citons encore le fondu au noir ou fondu au blanc.
On peut avoir à montrer dans une même séquence des plans insérés muets. On supprime donc dans la séquence une longueur de pellicule identique à celle occupée par le plan en question mais on garde la bande son cela s'appelle un
plan de coupe.
Le
montage normal suit la chronologie de l'histoire.
Le
montage parallèle permet de montrer différents lieux en même temps.
Le
montage par champ-contrechamp montre successivement deux interlocuteurs.
Le
flash-back ou retour en arrière permet de remonter le temps en créant une chronologie nouvelle. Il est quelquefois signalé par l'usage du fondu enchaîné, ou par l'usage de la voix off qui relie le présent au passé ou par d'autres indices. Le cinéaste peut aussi jouer sur le ralenti ou l'accéléré et ainsi se rendre maître de l'écoulement du temps.

 

Le rythme du film
La cadence à laquelle défilent les plans constitue le rythme du film. Une succession d'un grand nombre de plans courts provoquent un rythme rapide ("montage sec, nerveux"); des plans plus longs, moins nombreux installent un rythme lent.

 

Évidemment, vous ne perdrez pas de vue que toutes ces considérations techniques n'ont qu'un but : servir la volonté du cinéaste en touchant le spectateur.